Une tribune de soutien à la Bergerie publiée dans Le Monde

Lien direct vers la tribune sur le site du Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/27/a-la-ferme-ecole-peche-d-or-ou-les-eleves-cotoient-les-chevres-tout-risque-d-etre-bientot-rase_6092513_3232.html

Lien sur le site des Enseignant pour la Planète : https://enseignantspourlaplanete.com/tribune-de-soutien-a-la-ferme-ecole-peche-dor-de-bagnolet


« A la ferme école Pêche d’or, où les élèves côtoient les chèvres, tout risque d’être bientôt rasé »

Des enseignants, médecins, chercheurs, défenseurs de l’environnement, parmi lesquels le botaniste Francis Hallé et l’anthropologue Frédéric Keck, plaident dans une tribune au « Monde » pour la préservation d’une bergerie aux objectifs écologiques, sociaux et pédagogiques à Bagnolet (Seine-Saint-Denis).

Il existe aujourd’hui à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, un endroit assez unique en France : la ferme école Pêche d’or. Depuis dix ans, y coexistent une école publique et une association, Sors de Terre, créatrice de La Bergerie des Malassis.

Sur un terrain d’un peu plus de 5 600 mètres carrés, on trouve cinq classes de maternelle de plain-pied, une petite cour de récréation, beaucoup de végétation, une soixantaine d’arbres, une belle haie vive, la maison des gardiens, une vingtaine de chèvres et brebis, deux boucs, quelques poules et poussins, du foin, des abris pour les animaux et une terrasse pour les concerts en plein air… Le tout sur quatre parcelles communicantes. A l’entrée de cette école publique particulière, on y lit une pancarte installée par l’équipe il y a trois ans : « Bienvenue à la ferme école Pêche d’or ».

Les premières bêtes sont arrivées dans le quartier des Malassis en 2011 et y sont toujours. Cette bergerie extraordinaire, aux objectifs écologiques, sociaux et pédagogiques, a largement fait ses preuves dans ce quartier dit défavorisé.

En partenariat avec plusieurs écoles, et d’autres structures sociales ou thérapeutiques, l’endroit est devenu, au fil des années, une véritable ferme de quartier, et un lieu d’accueil, de rencontres, gratuit, ouvert à tous, fermé avec une simple ficelle et construit et paysagé avec la complicité des habitants de tous les âges. L’association gère aussi un hectare d’espaces verts publics ou collectifs, selon le même principe d’inclusion des personnes et des autres espèces vivantes, domestiques et sauvages.

Huissier de justice

A Pêche d’or, les élèves connaissent donc la vie de la ferme au quotidien. Ils côtoient les chèvres qui pâturent sur les pelouses de l’école et les croisent dans le quartier. Des enfants d’autres écoles, des jeunes porteurs de handicap, participent à des projets pédagogiques au long cours ou passent à la bergerie après l’école, en famille, tout naturellement.

Ce lieu est d’autant plus précieux dans cette ville où un tiers des habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté et beaucoup ne partent jamais en vacances et où la rénovation urbaine rend inaccessibles les espaces verts de pieds d’immeubles.

Mais cet ensemble magique est aujourd’hui menacé. L’école est vétuste et un nouveau bâtiment, plus grand, est nécessaire, comprenant dix classes et non pas cinq, une crèche et un centre de loisirs. Le 13 juillet, un huissier de justice a fait sommation à l’association et à Gilles Amar, l’éleveur, jardinier, pédagogue et responsable du projet « d’avoir à quitter les lieux au plus tard le 15 août 2021 ».

La bergerie devrait déjà être vide aujourd’hui. Tout risque d’être bientôt rasé : les constructions, les arbres et les plantations. Les enfants ne pourront plus voir les chèvres à la récré. Des habitants inquiets, enfants et ados compris, passent quotidiennement aux nouvelles.

La ville prévoit en effet la construction d’un imposant groupe scolaire, immense bâtiment de béton, dont l’implantation condamnerait toute la partie la plus verte de l’îlot.

Un projet alternatif

Pourquoi construire du neuf impliquerait-il de détruire ce dont les enfants ont besoin ?

Pourquoi couper la quasi-totalité des arbres, détruire la bergerie et la maison des gardiens et construire sur 2 860 mètres carrés de sol naturel ?

Pourquoi construire la nouvelle école plein sud, au soleil avec un parvis minéralisé ?

Pourquoi remplacer le jardin de pleine terre par un toit végétalisé sur dalle de béton ?

Pourquoi accueillir les enfants pendant les deux ans de travaux dans des préfabriqués à proximité immédiate du chantier, et parquer les chèvres dans un minuscule enclos pendant la même période ?

Préserver cette terre de haute qualité, les arbres, et la bergerie pour construire une ferme école publique, qui continuera à travailler et partager ses espaces avec la bergerie, est possible. L’abandon, il y a deux ans, du projet de logements privés dans la partie nord de la parcelle, permet de faire autrement.

Le 20 mai, un projet alternatif a donc été présenté par Sors de Terre à la mairie. Celui-ci prévoit un ensemble de bâtiments en bois, entourés de jardins, construits à l’emplacement actuel de l’école – ce qui préserverait l’identité paysagère du site et ses qualités pédagogiques, renforcerait la cohésion citoyenne locale et le partenariat entre l’association et l’école et donnerait enfin à la bergerie une existence officielle.

Aberrant

Cela permettrait aussi à Bagnolet – une des villes les plus endettées de France – d’économiser plus de 2 millions d’euros et éviterait l’émission de 5 600 tonnes de carbone liées à la construction en béton. L’équipe pédagogique, les parents d’élèves et de nombreux habitants y sont d’ailleurs très favorables et manifestent publiquement leur soutien.

Comment expliquer alors, que le maire (PS) actuel, Tony di Martino, réélu grâce à sa promesse de « faire de Bagnolet une ville écologique, solidaire et citoyenne » s’entête à refuser cette alternative et s’apprête à aggraver ainsi l’inégalité d’accès aux espaces de nature ? Ni la manifestation de soutien devant la mairie, ni la pétition, ni la médiatisation croissante de cette histoire n’ont encore suffi.

Le projet de la ville semble d’autant plus aberrant que de nombreuses autres collectivités, comme Paris, Poitiers, Rennes, Grenoble, ou la communauté de communes de Samatan, etc., s’engagent et soutiennent un accès régulier à la nature pour tous les enfants, qu’on enlève le bitume des cours de récréation, que les villes tentent de lutter contre le réchauffement climatique.

Même le ministre de l’éducation nationale encourage désormais officiellement à faire plus souvent classe dehors, puisque les bénéfices d’un contact avec la nature et la jouissance d’espaces verts urbains pour le développement optimal de l’enfant sont maintenant solidement prouvés. Pourquoi, une fois de plus, bétonner ?

Liste des premiers signataires : Catherine Bonzi, directrice de l’école Pêche d’Or ; Dominique Bourg, philosophe, université de Lausanne ; Etienne Butzbach, vice-président de la Ligue de l’enseignement ; Georges Chapouthier, biologiste et philosophe, directeur de recherche émérite au CNRS ; Anne-Sophie Colonna, représentante de parents d’élèves à l’école Pêche d’Or ; Alice Desbiolles, médecin de santé publique, auteure de « L’éco-anxiété. Vivre sereinement dans un monde abîmé » (Fayard, 2020) ; Damien Deville, anthropologue et géographe ; Martine Duclos, professeure des universités et praticienne hospitalière, CHU Clermont-Ferrand et université Clermont-Auvergne, Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps) ; Guillaume Faburel, géographe, auteur de « Les Métropoles barbares. Démondialiser la ville, désurbaniser la terre » (Le Passager clandestin, 2018) ; Moïna Fauchier-Delavigne, journaliste et membre de Tous dehors France ; Crystèle Ferjou, conseillère pédagogique départementale, coordinatrice classe dehors et coautrice de « Emmenez les enfants dehors ! » (Robert Laffont, 2020) ; Diane Granoux, enseignante à Bagnolet, collectif Enseignant.e.s Pour la planète ; Roland Gérard, auteur, conférencier et cofondateur du Réseau école et nature ; Liouba Guillerm, professeure des écoles à l’école Pêche d’Or ; Francis Hallé, botaniste ; Loïc Julienne, architecte ; Frédéric Keck, anthropologue, CNRS ; Fabrice Michel, coordinateur pédagogique, Office central de la coopération à l’école (OCCE) ; Corinne Morel-Darleux, autrice ; Marie Paquet, inspectrice de l’éducation nationale ; Thierry Paquot, philosophe ; Gilles Rabin, économiste ; Anne Rousseau, psychomotricienne au Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) de Bagnolet ; François Sarano, docteur en océanographie, coauteur avec Coralie Schaub de « Réconcilier les hommes avec la vie sauvage » (Actes sud, 2020).

Liste complète des signataires :

Ainhoa Abad Valero (enseignant au lycée Hénaff de Bagnolet, Montreuil) Jean-Marc Adolphe (journaliste, Bagnolet), Nadia Agnolet (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Bagnolet), Marina Amigo (professeur au lycée Hénaff de Bagnolet, Bagnolet), Solenn Andrieux (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet), Pierre-Marie Aubert (chercheur, Aubervilliers), Guillaume Augustin (enseignant au lycée Hénaff de Bagnolet), Simon Avogadro (enseignant au lycée Hénaff de Bagnolet, Montreuil), Anita Balestier (médecin de santé publique), Haby Bathily (cuisinière, Bagnolet), Audrey Bébert-Mion (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Paris) Rachel Belloulou (animatrice nature et éducation à l’environnement, Livry gargan), Sylvie Biscioni (Photographe Auteur, Bagnolet), Jeanine Biscioni (retraitée, présidente de l’association de soutien à la Bergerie des Malassis, Bagnolet), Marianne Blanchard (sociologue, membre du collectif Enseignant.e.s Pour la Planète) Aurore Bonnefoi (coordinatrice de campagnes – Agir pour l’Environnement, Paris), Aurélie Bonnet (directrice commerciale, Bagnolet), Catherine Bonzi (directrice de l’école Pêche d’Or, Bagnolet), Youssef Bouchiba (enseignant au lycée de Bagnolet) Dominique Bourg (philosophe, professeur honoraire, Université de Lausanne), Fouzia Brikh (Professeur à Bagnolet, Bagnolet), Nathalie Buge (agente territoriale, Bagnolet) Etienne Butzbach ( vice-président de la Ligue de l’Enseignement), Mariama Camara (parent, Bagnolet), Tony Capelle (étudiant, Bagnolet), Georges Chapouthier (biologiste et philosophe, Directeur de Recherche Emérite au CNRS), Pascal Clerc (géographe), Matthieu Chereau (entrepreneur, Bordeaux), Louise Cirier (Enseignante, Bagnolet), Anne-Sophie Colonna, représentante de parents d’élèves à l’école Pêche d’Or, Alix Cosquer (Chercheuse en psychologie environnementale, Laboratoire CEFE, Montpellier), Corinne Dacla (Libraire, Bagnolet), Maëlle Decherf (ingénieure, Nantes), Dimitri de Boissieu (éducateur à l’environnement, Marcevol), Julie Delalande (professeure des Universités, Caen), Cyrielle Delhaie (Kinésithérapeute, Paris), Alice Desbiolles (Médecin de santé publique et auteure de « »L’éco-anxiété – Vivre sereinement dans un monde abîmé, Paris), Damien Deville (anthropologue et géographe), Joelle Duca (Educatrice de jeunes enfants, Lorgues), Martine Duclos (professeure des universités et praticienne hospitalière, CHU Clermont-Ferrand et université Clermont-Auvergne, Onaps), Charlotte Dupont (auteure-réalisatrice, Bagnolet), Adeline Enjalbert (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Montreuil) Natacha Enokian (Menuisière, Bagnolet), Marie-Eve Eyrolles (Enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Paris), Guillaume Faburel (géographe, auteur de « Métropoles barbares »), Fanny Falcoff (psychologue, Romainville), Moïna Fauchier Delavigne (journaliste et autrice de « L’enfant dans la nature », Paris), Isabelle Favre (urbaniste), Crystèle Ferjou (Conseillère pédagogique départementale, coordinatrice classe dehors et autrice de « Emmenez les enfants dehors ! »), Pascal Fourestier (Cadre, Bagnolet), Nelly Fournet (Épidémiologiste, Bagnolet), Luise Franke (Agricultrice, Montreuil), Celine Gayon (artiste et professeure de danse au CRCDM de Bagnolet, Bagnolet) Julie Gentet (professeure des écoles, Courbevoie), Benjamin Gentils (Designer, co-fondateur de Faire école ensemble, Paris), Roland Gérard (Auteur, conférencier et cofondateur du Réseau école et nature), Heloïse Germa (Enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Montreuil), Bruno Goube (directeur d’école maternelle, membre du collectif Enseignant.e.s Pour la Planète), Diane Granoux (collectif Enseignant.e.s Pour la Planète, Bagnolet) , Laëtitia Guignier (Pédagogue par la nature, Sorgues), Marie Guillaumet (Résidente, Bagnolet), Liouba Guillerm (professeure des écoles à l’école Pêche d’Or), Basile Guillot (Animateur communautaire au service de la préservation de la biodiversité, Naburi), Eric Guirado (cinéaste, Bagnolet) Luc Gwiazdzinski (Géographe, Professeur, Toulouse), Soheil Hajmirbaba (Architecte, Vitry-Sur-Seine), Francis Halle (botaniste), Laurence Hansen-Love (philosophe, IPESUP, membre du collectif Enseignant.e.s Pour la Planète), Nadia Hassani (Étudiante, Bagnolet), Fabienne Haury-Gomot (Professeure, Bagnolet), François Hilfiger (Professeur des écoles, Paris), Mélanie Horwitz (Formatrice, Bagnolet), Aurore Ismalun (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Paris) Titaua Izern (Professeur des écoles, Meudon), Jacques Jourdanet (inspecteur de l’éducation nationale, honoraire, Gattières), Loïc Julienne (Architecte, Paris), Frédéric Keck (anthropologue, CNRS), Carolina Kobelinsky (Anthropologue), Sami Lamamria (Enseignant, Bagnolet), Marie Lassourd (Ostéopathe, Bagnolet), Solenne Le Bourhis (Professeure des écoles, Bagnolet), Stefan Le Courant (Anthropologue, Paris), Jean-Charles Léon (professeur agrégé de musique, militant pédagogique, Paris), Nadia Lienhard (Professeure des écoles, Rochefort), Malika Loddo (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet), Nicolas Loubet (Chercheur-cueilleur, Lyon), Christine Magendie (Pédiatre Huningue), Alexandre Magot (Professeur de SVT, Clamart), Pauline Marchetti (Architecte, Paris), Sébastien Marguet (enseignant au collège Travail, Bagnolet), Julie Marquet (Enseignante-chercheuse, Montreuil), Nadia Martin (Ingénieur, Maisons laffitte), Sonia Matthey-Henry (Éducatrice spécialisée, Pontoise), Fabrice Michel (Coordinateur pédagogique, OCCE, Paris), Virginie Milliot (anthropologue), Marion Moire (Responsable associative, Bagnolet), Corinne Morel Darleux (autrice), Christine Morvan (Aide-soignante, Plouigneau), Florence Moureaux (Professeur des écoles maître formateur, Beauvais), Ruth Oldham (architecte, Bagnolet), Marie Paquet (Inspectrice de l’Education Nationale, Poitiers), Thierry Paquot (philosophe), Emily Paulsrud (Professeure au lycée Eugène Henaff de Bagnolet, Bondy), Julien Pecheret (Technicien vidéo, Bagnolet), Irène Pereira (Enseignante-chercheuse, Fontenay Le Fleury), Paul Petit (Étudiant), Olivier Pierard (enseignant au lycée Hénaff de Bagnolet, Bagnolet), Nadège Pierrotti (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet) Jacqueline Puyravaud (Pilote du laboratoire des initiatives Bourgogne Franche Comté, Dijon), Gilles Rabin (économiste), Assia Rabinowitz (Éditrice / animatrice nature, Paris), Hélène Raquin (Chargée d’accompagnement dans une association éducative, Tintury), Alexandre Ribeaud (Professeur des écoles, Paris), Michaël Ricchetti (étudiant), Anne Rousseau (Psychomotricienne, Montreuil et Bagnolet), Valerie Roy (Responsable eaje et auteure de « petite enfance et plein air », Houilles), Francois Sarano (Océanologue, Valence), Anaëlle Schnerf (enseignante au lycée Hénaff de Bagnolet, Paris), Marina Seder Colomina (Enseignante au lycée Eugène Hénaff à Bagnolet, Bagnolet), Béatrice Simonet (CPE du lycée de Bagnolet), Philippe Soler (commission écologie de SUD éducation 93), Youssouf Sokhna (chef cuisinier, Bagnolet), Violaine Songis (directrice d’école, Villefontaine), Philippe Tissot (enseignant au lycée Hénaff de Bagnolet, Paris) Alix Vanderschooten (Directrice commerciale, Paris), Viviane Vonkorad (Directrice d’école, Bagnolet), Charlotte Vuarchex (Architecte médiation, Lyon), Pascale Vurpillat (Pédiatre, Besançon), Sarah Wauquiez (Formatrice d’enseignants, enseignante, psychologue, Villeneuve d’Aval), Julie Wilke (Enseignante, membre EPLP, Grenoble), Lauriane Witwicki (Directrice de clientèle,Bagnolet), Melinda Xeux (professeure des écoles, Bagnolet), Tommy Zielinski (Professeur en maternelle, La Verpillière)