Le débat d’idée qu’entretient la Bergerie des Malassis face à la mairie de Bagnolet est représentatif d’enjeux sociaux et écologiques qui nous concernent tous, c’est pour cela qu’on en parle dans les médias.
- Le Journal du Dimanche, le 5 septembre 2021
- Le Parisien, le 20 août 2021
- La Tête au Carré, le 1er septembre 2021
- Le Monde, le 27 août 2021
- L’Humanité, le 24 juin 2021
- Enseignant.e.s pour la planète, 1er juillet 2021
- L’allumeur de réverbère, le 5 juillet 2021
Le Journal du Dimanche, le 5 septembre 2021

Le Parisien, le 20 août 2021
Bagnolet : la mairie demande officiellement au berger des Malassis de déménager
Gilles Amar, le créateur de la bergerie des Malassis, a reçu une «sommation interpellative» de la municipalité lui demandant d’abandonner la parcelle qu’il occupe avec ses bêtes. Une simple procédure juridique, qui ne s’apparente pas à un avis d’expulsion.
Si la mairie de Bagnolet lui a officiellement demandé de libérer les lieux avant le 15 août, Gilles Amar ne compte pas abandonner la bergerie qu’il a créée dans le quartier des Malassis. Le 13 juillet, le berger a reçu des mains d’un huissier une « sommation interpellative », envoyée par la municipalité, lui demandant de « quitter » la parcelle qu’il occupe « sans droits ni titre ». Un terrain, rappelle le document, qui fait l’objet d’un permis de construire déposé à la fin du mois de mai « pour la reconstruction de l’école maternelle Pêche d’Or ».
Depuis plusieurs mois, les deux parties n’arrivent pas à s’entendre sur l’avenir de cette bergerie, devenue un lieu emblématique du quartier. Installée aux abords d’une maternelle, la bergerie doit désormais déménager pour permettre la reconstruction d’une école plus grande, d’une crèche et d’un centre de loisirs.
Après plusieurs revirements, le maire Tony Di Martino (PS) a proposé au berger de s’installer dans un espace plus petit, à proximité immédiate de la future école. Solution inenvisageable pour le berger, qui a par ailleurs travaillé avec une architecte sur un projet alternatif en vue de créer une ferme-école qui pourrait, selon lui, devenir une vitrine nationale pour Bagnolet.
« Quand l’huissier est venu, j’ai appelé notre avocat, il nous a expliqué que cette sommation était juste le début du contentieux et pas un véritable avis d’expulsion, explique Gilles Amar. Du coup, on a décidé de répondre à la ville en lui envoyant cette semaine par huissier notre propre sommation interpellative lui expliquant que, dans l’état actuel des négociations, il nous était impossible de quitter les lieux. Depuis qu’on a présenté notre projet alternatif à la mairie en mai, on n’a eu aucun retour dessus. C’est le flou total. Ce n’est pas un projet fantaisiste, il a été réfléchi et calculé par des professionnels, il coûterait d’ailleurs moins cher que celui présenté par la mairie. »
« Cela ne tient pas la route de dire cela, lui répond Édouard Denouel, adjoint au maire chargé de l’Éducation. Ce projet ne coûterait pas moins cher, bien au contraire. La ville (NDLR : une des plus endettées de France) ne peut pas se le permettre. »
L’élu confirme que cette sommation interpellative n’est pas un avis d’expulsion. « Cela fait toujours bizarre de recevoir un courrier d’un huissier mais, d’un point de vue juridique, on est obligés de procéder ainsi, précise-t-il. Il n’est pas question de le mettre dehors. On espère pouvoir reprendre le dialogue avec lui très vite, et trouver une solution. On veut que la bergerie reste à Bagnolet mais, pour nous, il n’est pas question de revenir sur notre projet d’école qui doit ouvrir en 2023 pour répondre aux besoins des habitants du quartier. » Les travaux doivent commencer à la fin de l’année.
La terre au carré, sur France Inter, le 1er septembre 2021
Emission générale, avec présentation de la bergerie et de son combat à partir de 8’30 »
Le Monde, 27 août 2021
« A la ferme école Pêche d’or, où les élèves côtoient les chèvres, tout risque d’être bientôt rasé »
Des enseignants, médecins, chercheurs, défenseurs de l’environnement, parmi lesquels le botaniste Francis Hallé et l’anthropologue Frédéric Keck, plaident dans une tribune au « Monde » pour la préservation d’une bergerie aux objectifs écologiques, sociaux et pédagogiques à Bagnolet (Seine-Saint-Denis).
Il existe aujourd’hui à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, un endroit assez unique en France : la ferme école Pêche d’or. Depuis dix ans, y coexistent une école publique et une association, Sors de Terre, créatrice de La Bergerie des Malassis.
Sur un terrain d’un peu plus de 5 600 mètres carrés, on trouve cinq classes de maternelle de plain-pied, une petite cour de récréation, beaucoup de végétation, une soixantaine d’arbres, une belle haie vive, la maison des gardiens, une vingtaine de chèvres et brebis, deux boucs, quelques poules et poussins, du foin, des abris pour les animaux et une terrasse pour les concerts en plein air… Le tout sur quatre parcelles communicantes. A l’entrée de cette école publique particulière, on y lit une pancarte installée par l’équipe il y a trois ans : « Bienvenue à la ferme école Pêche d’or ».
Les premières bêtes sont arrivées dans le quartier des Malassis en 2011 et y sont toujours. Cette bergerie extraordinaire, aux objectifs écologiques, sociaux et pédagogiques, a largement fait ses preuves dans ce quartier dit défavorisé.
En partenariat avec plusieurs écoles, et d’autres structures sociales ou thérapeutiques, l’endroit est devenu, au fil des années, une véritable ferme de quartier, et un lieu d’accueil, de rencontres, gratuit, ouvert à tous, fermé avec une simple ficelle et construit et paysagé avec la complicité des habitants de tous les âges. L’association gère aussi un hectare d’espaces verts publics ou collectifs, selon le même principe d’inclusion des personnes et des autres espèces vivantes, domestiques et sauvages.
Huissier de justice
A Pêche d’or, les élèves connaissent donc la vie de la ferme au quotidien. Ils côtoient les chèvres qui pâturent sur les pelouses de l’école et les croisent dans le quartier. Des enfants d’autres écoles, des jeunes porteurs de handicap, participent à des projets pédagogiques au long cours ou passent à la bergerie après l’école, en famille, tout naturellement.
Ce lieu est d’autant plus précieux dans cette ville où un tiers des habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté et beaucoup ne partent jamais en vacances et où la rénovation urbaine rend inaccessibles les espaces verts de pieds d’immeubles.
Mais cet ensemble magique est aujourd’hui menacé. L’école est vétuste et un nouveau bâtiment, plus grand, est nécessaire, comprenant dix classes et non pas cinq, une crèche et un centre de loisirs. Le 13 juillet, un huissier de justice a fait sommation à l’association et à Gilles Amar, l’éleveur, jardinier, pédagogue et responsable du projet « d’avoir à quitter les lieux au plus tard le 15 août 2021 ».
La bergerie devrait déjà être vide aujourd’hui. Tout risque d’être bientôt rasé : les constructions, les arbres et les plantations. Les enfants ne pourront plus voir les chèvres à la récré. Des habitants inquiets, enfants et ados compris, passent quotidiennement aux nouvelles.
La ville prévoit en effet la construction d’un imposant groupe scolaire, immense bâtiment de béton, dont l’implantation condamnerait toute la partie la plus verte de l’îlot.
Un projet alternatif
Pourquoi construire du neuf impliquerait-il de détruire ce dont les enfants ont besoin ?
Pourquoi couper la quasi-totalité des arbres, détruire la bergerie et la maison des gardiens et construire sur 2 860 mètres carrés de sol naturel ?
Pourquoi construire la nouvelle école plein sud, au soleil avec un parvis minéralisé ?
Pourquoi remplacer le jardin de pleine terre par un toit végétalisé sur dalle de béton ?
L’humanité, 24 juin 2021 (lien)
A Bagnolet, la bergerie qui ne voulait pas transhumer
Un bras de fer oppose la municipalité de cette ville de Seine-Saint-Denis aux acteurs d’un lieu atypique, ferme de quartier indocile et populaire. Autour de cette initiative devenue flibusterie végétale au pied des immeubles, ce sont deux conceptions de l’urbanisme qui se confrontent. Récit.
Dans ce jardin, les tondeuses ont été déchues de leurs droits. Offerts aux séants de passage, bancs et chaises s’épanouissent autant que l’herbe et une flopée de machins. Émergeant d’une souche, une paire de jambes en Bakélite fait du gringue au visiteur ; sur une caravane bleu nuit, un tricératops veille, avec dans son dos une trentaine de chèvres et de moutons qui ruminent, lascifs, face à la cour de l’école maternelle qui héberge leur enclos.
On est à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, aux Malassis. La bergerie, qui porte le nom du quartier, est venue se poser ici voilà dix ans. Ce devait être provisoire : elle s’est enracinée.
Ses acteurs s’opposent aujourd’hui à la mairie, qui leur demande de déplacer leurs baraques. Le bras de fer s’accentue dans le débat municipal, où la majorité PS se frotte à l’opposition communiste. Plus encore que l’envie de rester, s’entend, derrière cette résistance, la crainte que le quartier ne se laisse défricher. « Pour nous, s’accrocher à ce bout de terre, ce n’est pas refuser d’aller ailleurs : c’est d’abord le défendre », résume Mathilde Meignan, présidente de l’association Sors de Terre, à la genèse du lieu.
Mixer le sauvage et le domestique
Elle démarre en 2011. Depuis trois ans déjà, Gille Amar, grand gars coiffé de lianes, cofondateur de Sors de Terre, s’occupe alors d’espaces verts dans la ville. Sous contrat avec Bagnolet, l’association s’active dans les plates-bandes de plusieurs cités et écoles. « D’une certaine manière, nous désentretenons », explique-t-il. Étayées de semences de coquelicot et d’autres fleurs des prés, les herbes s’épanouissent au pied des bâtiments dans une forme de flibusterie végétale qui s’immisce partout où elle peut le disputer au bitume. Des arbres fruitiers se hissent par-dessus cette savane urbaine. Des plants de tomate et autres légumeries s’y font parfois un nid. « Nous mixons le sauvage et le domestique, le consommable et l’ornemental, explique Gilles Amar. Nous incluons aussi l’humain : les habitants du quartier participent aux aménagements. »
Depuis un moment, il songe à intégrer des animaux à ce paysage. Ce printemps 2011 lui en offre l’occasion : il la saisit et trois chèvres apparaissent illico dans les jardins d’immeubles. Restait à leur trouver un endroit où crécher. Sollicitée, la mairie prête au berger un terrain en friche près de l’école maternelle de la Pêche-d’Or. « Dès le départ, il était entendu que ce serait temporaire, rappelle aujourd’hui Édouard Denouel, adjoint à l’éducation et à l’écologie de Bagnolet. Cette parcelle était déjà visée par un renouvellement urbain. » Est prévu, singulièrement, d’y reconstruire l’école, devenue trop exiguë. Le projet initial comprenait également deux immeubles de sept étages.
Lieu de contemplation autant que de contacts
Mais les années passent, la chèvrerie s’installe et devient patrimoine des cités. On passe y voir les animaux, faire un brin de causette, cueillir quelques mûres, écouter de la musique à l’ombre de ses grands arbres. Robiniers, érables, sureaux ou ailantes la bordent – une trentaine au total –, complétés de quelques bas fruitiers. Le jardin se fait lieu de contemplation autant que de contacts et le quartier y prend peu à peu ses quartiers. « Je vis en HLM avec l’impression d’être en boîte, et je ne traîne jamais dans la ville. Ici, je peux flâner et rencontrer les gens », raconte une maman. « J’habite Bagnolet depuis toujours, abonde Sylvie, mon père est né là où se trouve aujourd’hui l’autoroute A3. Eh bien jusqu’à la bergerie, je ne connaissais personne dans la ville en dehors de mes voisins directs. »
L’école de la Pêche-d’Or a elle aussi intégré les chèvres à sa routine. « Elles permettent toute une série d’apprentissages, explique Catherine Bonzi, sa directrice . Les enfants peuvent assister à la tonte des moutons, voir les chevreaux ou les poussins grandir. Il faut qu’elle reste. »
Plusieurs fois, la mairie a proposé à Sors de Terre d’autres lieux pour installer la ferme. Plusieurs fois, Gilles Amar a dit oui, pour finalement refuser. La municipalité, aujourd’hui, a fait de cet attachement un incompressible. Son nouveau projet exclut les immeubles et réintègre les chèvres, moyennant que ces dernières se meuvent un peu plus en arrière dans le nouvel ensemble.
L’urgence d’une école
Rien n’y fait : entre refus de se laisser apprivoiser et crainte de donner du ressort à la gentrification qui pèse sur la ville, les protagonistes s’accrochent à leur carré de ferme. « En dix ans notre sens critique sur la rénovation urbaine s’est aiguisé », reprend Gilles Amar. « Les projets de jardins partagés tels que les voient les villes visent tous le même modèle, productif, propret, squatté par quelques-uns », poursuit le jardinier. « Nous n’avons pas voulu de cela, mais d’un bordel constructif. Ici, c’est le jardin des habitants. Ici, c’est la branche jardinage du hip-hop. »
Surtout, les plans de la nouvelle école, un bâtiment tout en verre et béton prévu sur trois étages, ne siéent ni au berger, ni aux parents d’élèves. « Rien n’est à la dimension d’une école maternelle », assure Sabrina, leur représentante. « L’infrastructure va coûter cher à entretenir et l’encadrement va manquer pour couvrir une telle surface. »
Épaulée d’une architecte, Sors de Terre avance aujourd’hui un projet alternatif. Moins lourd et tout en bois, il serait plus ouvert sur la rue et jouerait avec l’existant plutôt que contre lui. « Cette proposition arrive trop tard pour nous permettre d’ouvrir l’école en septembre 2023 », rétorque Édouard Denouel. « Or, nous en avons impérativement besoin, la pression démographique est très forte dans le quartier. » Hocine, la cinquante volubile et né ici, n’en doute pas. « Ces nouvelles infrastructures vont servir à valoriser un quartier où les loyers ne cessent d’augmenter », redoute-t-il. « Au final, c’est nous qui ne pourrons pas rester. »
Enseignant.e.s pour la planète, le 1er juillet 2021
Une Zone Educative A Défendre : serait-on à Bagnolet en train d’enrichir le célèbre acronyme ? A l’heure où la loi Climat et Résilience fixe un objectif de « zéro artificialisation nette » en 2030 et où les alarmes du GIEC se font plus pressantes que jamais, les appels à la débitumisation des cours d’école se multiplient comme le minimum que nous devons à nos enfants qui vont grandir dans un monde en surchauffe. Dans ce contexte, le projet de la mairie de Bagnolet, qui veut raser une ferme-école pour construire un complexe scolaire en béton est une pure aberration. Le collectif EPLP vous présente dans cet article cette ferme-école, les bénéfices pédagogiques considérables qu’elle apporte et les moyens de combattre le projet visant sa destruction.
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